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Caroline Robert : Déjouer les mécanismes de résistance aux traitements du cancer

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 11 février 2019 , mis à jour le 09 septembre 2022

Caroline Robert est médecin, chef de l'unité de dermatologie à Gustave Roussy, chercheuse à l’Inserm et professeur des universités de la faculté de médecine du Kremlin-Bicêtre à l’Université Paris-Saclay. Spécialiste mondialement connue du mélanome - ou cancer de la peau - elle dirige une équipe de recherche au sein de l’unité Biomarqueurs prédictifs et nouvelles stratégies thérapeutiques en oncologie, à Gustave Roussy, sur les mécanismes de résistance aux divers traitements contre le cancer. Portrait d’une femme qui fait de la symbiose entre médecine et recherche un combat quotidien au service de la lutte contre le cancer.

A la tête du service de dermato-oncologie à Gustave Roussy, plus grand centre de lutte contre le cancer en France, Caroline Robert traite les mélanomes et les effets secondaires cutanés des médicaments anti-cancéreux. Elle y co-dirige également avec Stéphan Vagner un groupe de recherche au sein de l’unité Biomarqueurs prédictifs et nouvelles stratégies thérapeutiques en oncologie, dirigée par le Pr Fabrice André. « Sur le modèle du mélanome, nous tentons de comprendre les mécanismes de résistance aux divers traitements du cancer - que ce soit des traitements ciblés contre des anomalies moléculaires bien particulières ou de l’immunothérapie - et de lutter contre eux. » Car dans les deux cas, les résistances sont très fréquentes, en dépit d’énormes progrès réalisés. « Avant 2011, rien n’était efficace contre les mélanomes métastatiques. Les patients mouraient malheureusement en un an en moyenne. »

Tuer les cellules cancéreuses mutantes

En recherche, l’équipe de Caroline Robert et de Stephan Vagner met l’accent sur l’influence des mécanismes de contrôle de la fabrication des protéines sur les résistances aux traitements. La synthèse des protéines, c’est ce que les biologistes appellent « la traduction » des copies transitoires (les ARN messagers) porteuses de l’information génétique de la cellule. Il y a quelques années, l’équipe fait une découverte-clef : la cellule cancéreuse, « stressée » par le traitement, modifie sa traduction, c’est-à-dire sa production de protéines. « Le but est donc d’empêcher la cellule de s’adapter en agissant sur sa flexibilité. C’est cette dynamique très complexe du mécanisme que nous cherchons à comprendre, explique la chercheuse. Pour le moment, nos recherches débouchent sur des biomarqueurs, peut-être un jour arriverons-nous à des traitements ».

Soigner et chercher

Les activités de recherche et les activités cliniques de Caroline Robert « se nourrissent l’une l’autre. Lorsqu’on voit des patients mourir, on est très motivés pour avancer ». Son laboratoire à Gustave Roussy n’est qu’à quelques pas de l’hôpital. « Nous travaillons sur les prélèvements des patients et nous réalisons des essais cliniques de médicaments issus de la recherche pharmaceutique mondiale avant leur mise sur le marché ». Les patients, aujourd’hui mieux informés, sont aussi partie prenante de cette recherche. Cette relation au patient est très importante pour Caroline Robert, qui loin de l’approche « paternaliste » de la médecine d’il y a quelques années, s’y implique beaucoup avec son équipe.

Pas spécialement attirée par la cancérologie au début de son internat en dermatologie, Caroline Robert « prend de plein fouet » la situation des malades atteints de mélanome lorsqu’elle devient interne et chef de clinique. « C’était terrible, car rien ne pouvait les soigner, et on ne leur disait pas la vérité ». C’est après quatre ans à l’Université de Harvard, puis une année dans l’industrie pharmaceutique, qu’elle arrive en 2000 à Gustave Roussy, « un hôpital extraordinaire, avec des médecins très compétents qui coopèrent très facilement ensemble au bénéfice des patients » confie-t-elle. « On ne le dit pas assez : en France, nous bénéficions d’une excellente recherche, ultra performante au vu des moyens mis à notre disposition. Si nous arrivons à construire cette belle université qu’est Paris-Saclay, ce sera une force énorme ! »


Dr Robert a obtenu son diplôme de médecine à l'école de Port-Royal de Médecine Cochin, à Paris, en 1990, et a réalisé un master 2 en Bases fondamentales de l’oncogenèse, puis deux années de recherche en biologie moléculaire dans le laboratoire dirigé par Alina Sarasin au CNRS. Après être devenue une spécialiste certifiée en dermatologie en 1992, le Dr Robert a été chef de clinique en dermatologie pendant deux ans à l'Hôpital St-Louis, à Paris. Elle a travaillé quatre ans en immunologie à l'Université de Harvard à Boston, aux Etats-Unis, puis a passé un doctorat en immunologie du cancer et de l'immunothérapie.