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L’ADN circulant, porteur d’espoir contre le cancer du poumon

Innovation Article publié le 02 juin 2022 , mis à jour le 02 juin 2022

Coordonné par Benjamin Besse, oncologue au sein de l’unité Prédicteurs moléculaires et nouvelles cibles en oncologie (PMNCO - Université Paris-Saclay, Gustave Roussy, Inserm), le programme Reveal a été sélectionné en 2021 lors de l’action recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU). Il vise à développer de nouvelles méthodes de diagnostic et de suivi des patientes et des patients atteints du cancer bronchique, pour en améliorer et simplifier l’évaluation.

Détecter, à travers une prise de sang, des traces biologiques signalant un cancer du poumon chez l’être humain. Ce projet ambitieux, et fort d’utilité en santé publique, s’appelle Reveal. Lauréat 2021 de l’appel à projets de recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU), ce projet a pour but de développer des applications concrètes pour transformer dans les cinq prochaines années les pratiques médicales en matière de suivi du cancer du poumon. Aujourd’hui quatrième cause de décès dans le monde, cette maladie reste difficile à diagnostiquer et le suivi de son évolution est lourd, car il nécessite des recours réguliers à l’imagerie médicale.

Si le concept semble, en théorie, simple - analyser le sang pour y chercher des traces de cancer – il se révèle, en pratique, plus complexe à mettre en œuvre. Il n’existe en effet pas de marqueurs biologiques du cancer du poumon, par comparaison avec le cancer de la prostate et son PSA, par exemple. Les chercheurs et les chercheuses se tournent alors vers l’ADN circulant tumoral, une fraction d’ADN libre qui, suite à un processus de dégradation cellulaire, se retrouve dans le sang et signale la présence d’un cancer bronchique.

Le projet Reveal s’inscrit dans la continuité de travaux réalisés sur l’ADN circulant et qui ont pris de l’ampleur cette dernière décennie. Des travaux destinés à détecter des fragments d’ADN fœtal dans le sang de femmes enceintes et qui amorcent une grande révolution dans le domaine médical. « L’arrivée de ces techniques extrêmement sensibles nous ouvre toute une série de perspectives », signale Benjamin Besse, oncologue de l’unité Prédicteurs moléculaires et nouvelles cibles en oncologie (PMNCO - Université Paris-Saclay, Gustave Roussy, Inserm) et coordinateur du projet Reveal.

 

L’ADN circulant tumoral

Adaptées au cancer du poumon, ces techniques offriraient une analyse de la maladie plus précise et plus simple pour le patient ou la patiente. Leur avantage serait aussi économique, et leur accessibilité en serait un autre. Associant les forces académiques de l’Université Paris-Saclay, de l’institut Gustave Roussy, de l’Inserm, de l’Université de Montpellier et de CentraleSupélec, et celles industrielles de Stilla technologies et Cell-environnement, notamment pour les techniques d’analyses, le projet se place sur les problématiques de suivi de l’évolution du cancer du poumon. « Aujourd’hui, il y a deux grands types d’approches. La première, plus développée, consiste à identifier les mutations présentes par l’analyse de la tumeur elle-même, par exemple une mutation du gène KRAS, puis rechercher spécifiquement cette mutation dans l’ADN tumoral circulant, indique Benjamin Besse. Dès lors, notre partenariat avec les spécialistes en biotechnologies cités est logique : Stilla technologies présente un grand succès dans le développement technologique autour de l’ADN tumoral circulant, notamment la PCR digitale. Cette technique de détection ultra-sensible est nécessaire pour concevoir nos tests », souligne Benjamin Besse. Le désavantage de cette approche est qu’elle nécessite de connaître les différentes anomalies de chaque tumeur, pour chaque patient ou patiente.

Ce qui explique que les chercheurs et les chercheuses reposent aussi leurs espoirs sur le second type d’approche possible : l’analyse de l’ADN circulant sans avoir à connaître les mutations de la tumeur elle-même. Mais cela implique de créer de nouveaux tests capables de détecter, dans un échantillon de prise de sang, un ensemble d’anomalies moléculaires non spécifiques d’une tumeur donnée. Un même test détecterait alors un bloc d’anomalies liées à un cancer du poumon mais aussi possiblement à d’autres types de cancer.

 

Trois objectifs en un

Les applications du projet Reveal s’orientent vers trois axes majeurs. Le premier concerne la mesure de la maladie résiduelle, après chirurgie ou radiothérapie. Des micro-métastases persistent parfois après traitement curatif d’un cancer bronchique, et le scanner échoue aujourd’hui à les identifier. « Il est possible d’opérer des patientes et des patients ayant déjà des métastases, mais comme la définition en imagerie ne descend pas bien en dessous de 3 mm, nous ne savons pas qu’elles sont là », précise Benjamin Besse. Cette nouvelle génération de test de biopsie liquide détecterait ces traces résiduelles et prédirait le risque de rechute, et aiderait peut-être à adapter le traitement post-opératoire. Avec ce nouveau dispositif, les personnels de santé bénéficieraient d’un meilleur test que le scanner, plus rapide et plus précis. « Cela nous permettrait d’agir beaucoup plus vite et de ne pas attendre pour traiter les maladies métastatiques », insiste Benjamin Besse.

Le deuxième axe du projet Reveal porte sur la prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie. « Aujourd’hui, environ 80 % des patientes et patients atteints d’une maladie métastatique sont traités par immunothérapie, seule ou associée à de la chimiothérapie », indique Benjamin Besse. Prédire le niveau de sensibilité à l’immunothérapie d’un patient ou d’une patiente représente un défi de taille : il faut identifier et définir les marqueurs biologiques concernés, pour qu’ils soient brevetés puis commercialisés. C’est tout l’intérêt du partenariat avec des experts en techniques d’analyses, comme Cell-environnement qui s’intéresse aux anomalies des cellules circulantes, pour prédire la sensibilité au traitement.

Un dernier axe de recherche porte sur le développement et la validation du test d’ADN circulant, capable d’évaluer, plus vite et plus précisément que l’imagerie médicale, l’évolution d’une maladie à un stade avancé chez un patient ou une patiente sous traitement (immunothérapie, chimiothérapie…). L’immunothérapie peut par ailleurs faire apparaître des ganglions. Cette manifestation, qui est une réaction au traitement et non un signe de métastase, reste difficile à décrypter au scanner. « L’objectif est de diminuer le recours au scanner, d’avoir une compréhension plus fine de la maladie, et ainsi de simplifier et d’améliorer le suivi à toutes les étapes du cancer », résume Benjamin Besse. Les analyses seraient moins pesantes pour le patient ou la patiente par rapport aux radiations auxquelles il ou elle est exposée lors d’un scanner. 

 

Pour les patientes et les patients, grâce à elles et à eux

« L’histoire de l’ADN circulant à Gustave Roussy est une histoire ancienne », raconte Benjamin Besse. En misant sur le développement de technologies et d’outils basés sur l’ADN circulant, l’Institut s’est très tôt orienté vers les biomarqueurs circulants, notamment à travers le parrainage de chercheurs et de chercheuses orchestré par la fondation Gustave Roussy. Depuis une dizaine d’années, Benjamin Besse collecte le plasma de milliers de patientes et de patients avant et après leur traitement, et le conserve en congélation.

Ces prélèvements, assez colossaux, sont une force nécessaire pour développer aujourd’hui ces nouveaux outils : ils sont des ressources précieuses pour mettre au point les premières manipulations, les premières démonstrations d’utilité… « C’est aussi grâce aux patientes et aux patients que nous avons pu porter le projet Reveal. Cela a probablement contribué au fait qu’il soit retenu lors de l’appel à projets RHU. C’est un bel hommage à leur rendre », conclut Benjamin Besse.

 

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