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L’innovation thérapeutique dans la lutte contre l’hypertension artérielle pulmonaire

Innovation Article publié le 14 avril 2021 , mis à jour le 14 avril 2021

L'hypertension artérielle pulmonaire est une maladie cardio-pulmonaire rare et grave qui se caractérise par un intense remodelage des artères pulmonaires de petit calibre. Idiopathique (sans cause avérée) ou héréditaire (liée à une anomalie génétique), elle touche environ 15 personnes par million d’habitants en France. Si les traitements actuels améliorent les symptômes de la maladie, aucun d’entre eux n’aboutit à la guérison des patients. Mais récemment, dans la cadre de l’étude internationale PULSAR, des chercheurs et des chercheuses du laboratoire Hypertension pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique (HPPIT - Université Paris-Saclay, Inserm), en collaboration avec leurs collègues de l’hôpital Bicêtre AP-HP et d’autres départements de recherche et de médecine à l’international, ont réussi à identifier une nouvelle cible thérapeutique porteuse d’espoir. Fondée sur la compréhension fine des formes familiales de la maladie, cette équipe de recherche vient de faire un pas décisif vers la mise au point d’un nouveau traitement, complémentaire à la prise en charge de référence de la maladie. 

 

Maladie pulmonaire rare, l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) se caractérise par une augmentation de la pression sanguine dans les artères qui relient la partie droite du cœur aux poumons. Au cours de l’évolution de la maladie, les petites artères pulmonaires de moins de 0,5 mm s’épaississent et se bouchent - un processus appelé remodelage vasculaire - en raison d’une accumulation progressive de cellules de la paroi vasculaire. Comme ce remodelage fait obstacle à l'écoulement du sang dans les vaisseaux des poumons, la pression artérielle pulmonaire augmente. Cette résistance impose un effort au cœur qui à terme peut cesser de fonctionner normalement, et aboutit à une insuffisance cardiaque droite. Sans traitement efficace, l’HTAP provoque un essoufflement progressif à l’effort puis au repos, et des malaises et des syncopes qui menacent la vie du malade à court ou moyen terme. 

Les traitements actuels comprennent essentiellement des vasodilatateurs, qui améliorent la tolérance à l'effort et la qualité de vie des patients, freinent l'évolution de la maladie et prolongent la survie. Pour autant, aucun de ces traitements ne permet la guérison des malades. Et malgré l’association de vasodilatateurs, la moitié d’entre eux décède dans les sept années qui suivent le diagnostic de l’HTAP. 

 

Un récepteur déterminant

Mais de grandes avancées ont été réalisées ces vingt dernières années dans la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires de la maladie, notamment de ses formes héréditaires (ou familiales). Celles-ci tirent principalement leur origine de mutations survenues dans le gène codant pour le récepteur de la protéine de la morphogenèse osseuse de type II (BMPR-II). De la superfamille du facteur de croissance transformant TGF-b, le BMPR-II limite la prolifération cellulaire et l’accumulation des cellules vasculaires dans les parois des artères pulmonaires. Tout défaut dans cette voie de signalisation vient lever un frein physiologique qui rompt l’homéostasie des vaisseaux du poumon. Récemment, des études ont montré que les ligands du récepteur de type IIA de l’activine (ActRIIA) sont responsables de l’emballement de la prolifération cellulaire en cas de dysfonctionnement de la voie du BMPR-II. Des mécanismes semblables entrent aussi en jeu dans les autres formes d’HTAP non familiales. 

Forts de cette compréhension fine de la maladie, une équipe de chercheurs et de chercheuses du laboratoire Hypertension pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique (HPPIT - Université Paris-Saclay, Inserm), de l’hôpital Bicêtre AP-HP et d’autres départements de recherche et de médecine américains, anglais, allemands, brésiliens et espagnols, a proposé d’explorer le potentiel thérapeutique du sotatercept, un composé développé par le laboratoire américain Acceleron. Fusion de la partie extracellulaire du récepteur ActRIIA et du fragment constant d’une immunoglobuline IgG1 humaine, le sotatercept fonctionne comme un piège à ligands d’ActRIIA. En les séquestrant, il empêcherait l’activation excessive des voies de prolifération vasculaire libérées du frein BMPR-II et rétablirait l’homéostasie vasculaire pulmonaire.

 

Le sotatercept, un essai clinique aux résultats prometteurs

Pour le démontrer, l’équipe a procédé à un essai multicentrique de phase 2, d’une durée de 24 semaines. Les 106 patients adultes impliqués dans cet essai ont reçu en amont un traitement de fond de l’HTAP comprenant deux ou trois vasodilatateurs pour la majorité d’entre eux. L’équipe a ensuite administré par voie sous cutanée soit le sotatercept à la dose de 0,3 mg par kilogramme ou de 0,7 mg par kilogramme de poids corporel toutes les 3 semaines, soit un placebo (étude PULSAR, NCT03496207). Les résultats obtenus ont montré que le sotatercept, relativement sûr et bien toléré, réduit les résistances vasculaires pulmonaires, mesurées grâce à un cathéter cardiaque. Dans le même temps, l’essai a révélé une meilleure capacité à l’effort des patients traités par le sotatercept, mesurée par un test de marche de six minutes, et une amélioration de différents biomarqueurs de la fonction cardiaque.

Face à ces résultats concluants, les patients sont désormais entrés dans une phase d’extension qui évalue la sécurité et l’efficacité du sotatercept au long cours. De nouvelles études de phase 3 ont débuté ou sont programmées pour cette innovation thérapeutique qui constitue d’ores et déjà une avancée prometteuse dans le traitement de l’HTAP et un vecteur d’espoir pour les personnes atteintes.

 

Références :