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Olivier Lambotte : De la trithérapie à la guérison

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 21 avril 2022 , mis à jour le 09 mai 2022

Médecin, responsable de l’unité médecine interne-immunologie clinique à l’hôpital Bicêtre, professeur des universités praticien-hospitalier à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Saclay, Olivier Lambotte est également chercheur au centre Immunologie des maladies virales, auto-immunes, hématologiques et bactériennes (ImVA-HB - Université Paris-Saclay, CEA, Inserm) et directeur de la Graduate School Life, Sciences and Health de l’Université Paris-Saclay. Il étudie depuis plus de vingt ans les mécanismes de persistance du VIH, avec l’espoir pour les patientes et patients de se passer un jour des trithérapies en contrôlant la maladie avec leurs propres défenses immunitaires. 

« Je tente de comprendre comment le VIH peut persister chez les patientes et patients qui sont soignés grâce aux trithérapies antivirales. Ces dernières bloquent complètement la multiplication du virus et pourtant, le jour où on les arrête, le virus revient en deux semaines alors même qu’il était complétement indétectable », expose Olivier Lambotte. Ses travaux ont d’abord porté sur les aspects immunologiques de cette persistance, montrant que le virus restait caché dans différentes cellules « réservoirs », en particulier certains types de lymphocytes T4. « Une grande partie de notre travail a consisté à les caractériser en étudiant le sang. Puis, arrivant au bout de ce que nous pouvions faire chez l’humain avec le sang, nous nous sommes alors tournés vers des tissus accessibles comme le tissu adipeux et avons montré qu’ils pouvaient eux aussi contenir des cellules réservoirs. » Ces tissus étant difficiles d’accès chez l’être humain, l’équipe du Kremlin Bicêtre d’Olivier Lambotte fusionne il y a une dizaine d’années avec celle du laboratoire d’immuno-virologie du CEA de Fontenay-aux-Roses dirigée par Roger Legrand. « Leurs recherches sur le SIV (Simian Immunodeficiency Virus) chez les grands singes, l’équivalent du VIH (virus de l'immunodéficience humaine) chez l’être humain, étaient complémentaires des nôtres. »

 

Contrôler le virus

La stratégie du « cure » a pour objectif que les porteurs et porteuses du VIH puissent vivre sans traitement le plus longtemps possible. « De rares patientes et patients sont capables de vivre sans que le virus ne se multiplie », expose Olivier Lambotte. C’est le modèle de « cure » naturelle. Ces patientes et patients « contrôleurs du VIH » ont été identifiés il y a quinze ans par Jean-François Delfraissy, à l’époque chef de service du service de médecine interne / immunologie de l’hôpital Bicêtre.  Depuis 2011, Olivier Lambotte est l’investigateur principal de la cohorte nationale de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (l’ANRS) de ces patientes et patients contrôleurs du VIH en France. « Plus de 300 patientes et patients sont identifiés en France. Elles et ils sont suivis régulièrement par un consortium d’une dizaine d’équipes de recherche nationales, chacune travaillant dans un domaine bien précis. » À côté de la gestion de cette cohorte de l’ANRS, Olivier Lambotte est depuis plusieurs années co-responsable de la recherche clinique Nord / Sud de l’ANRS.

 

Comprendre le mécanisme de défense 

Pour comprendre ce mécanisme de contrôle exceptionnel, toutes les hypothèses ont été vérifiées. Le virus est-il présent mais inactif ? Non. Existe-t-il une explication génétique ? Non plus, même si certains caractères génétiques favoriseraient le contrôle du virus. La bonne réponse est du côté du système immunitaire de ces patientes et patients. « Leur système de défense est doté de propriétés uniques qui verrouillent complètement le virus », éclaire Olivier Lambotte. Les équipes de recherche se focalisent donc sur ces systèmes afin de les transposer aux patientes et patients sous trithérapies. « Nous cherchons à optimiser la réponse immunitaire de personnes non contrôleuses pour les rendre contrôleuses à leur tour. » La réussite de ces recherches tient beaucoup à la collaboration entre spécialistes. 

Olivier Lambotte est responsable du chapitre sur les modèles de contrôle spontané dans la dernière publication de l’International AIDS Society dans la revue Nature Medicine. L’équipe du laboratoire a été pionnière sur la thématique des « réservoirs » du VIH, et il existe encore aujourd’hui peu d’équipes dans le monde travaillant sur celle des patientes et patients HIV contrôleurs : « trois ou quatre aux États-Unis, deux en Espagne et la nôtre », précise l’enseignant-chercheur. 

 

L’immunologie comme fil conducteur

Pour Olivier Lambotte, la volonté de devenir médecin remonte à son plus jeune âge. Le déclic se fait lorsque son institutrice montre des radios en classe de CE1. « J’avais trouvé incroyable d’y voir le cœur et les poumons. »  Après son bac, il est admis en PACES (Première année commune aux études de santé) en 1989 et arrive à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Sud un an plus tard. En 1994, il choisit la médecine interne comme spécialité d’internat, « afin de continuer à m’occuper des malades », précise -t-il. « C’étaient les années noires du SIDA. J’ai été pris aux tripes lors de mon premier semestre d’internat effectué dans le service des maladies infectieuses. » L’idée de faire de la recherche mûrit lorsqu’il effectue un DEA d’immunologie, puis sa thèse de médecine sur l’origine des septicémies des personnes infectées par le VIH. À la fin de son internat, il prend deux ans de disponibilité pour faire une thèse de sciences, toujours à l’Université Paris-Sud, sur les mécanismes de persistance du VIH dans les réservoirs. C’est Jean-François Delfraissy, « quelqu’un d’exceptionnel », qui lui conseille de la faire et dirige ses recherches. Olivier Lambotte réalise le début de son clinicat dans son service à l’hôpital Bicêtre avant d’être nommé maître de conférences puis professeur des universités praticien hospitalier en 2010.

« Dès le début de mon parcours, j’ai compris que l’immunologie était transversale, créant un langage commun entre médecins de différentes spécialités. » Depuis huit ans, Olivier Lambotte collabore de manière croissante avec ses collègues cancérologues de l’Institut Gustave Roussy, notamment sur les nouvelles immunothérapies et la gestion des nouveaux médicaments en cancérologie, un champ complètement nouveau de la médecine, selon lui. 

 

Trois métiers en un

Olivier Lambotte concilie ainsi l’intérêt intellectuel de chercheur avec celui, majeur pour lui, du soin et de l’aide apportés aux patientes et patients auxquels il consacre cinq demi-journées par semaine. Mais il est aussi vice-doyen chargé de la formation à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Saclay et responsable du master 2 d’immunologie de la mention biologie-santé. « Lors de la construction de l’Université Paris-Saclay, le champ de la médecine a été réparti sur trois Graduate Schools (GS), explique-t-il. Avec mon profil plutôt fondamental, on m’a proposé de diriger la GS Life, Science and Health (LSH). » Olivier Lambotte accepte, embarqué par l’enthousiasme de l’équipe des « préfigurateurs et préfiguratrices ». « La force de l’Université Paris-Saclay est d’avoir atteint une masse critique inégalée qui lui permet de figurer dans les classements internationaux et la rend attractive. » La GS LSH organise des journées recherche, développe des parcours internationaux, a déjà financé sept projets scientifiques et prépare sa cérémonie de remise de diplômes qui aura lieu le 22 avril 2022. « J’y retrouve le fil rouge d’un fonctionnement collaboratif et transversal, conclut Olivier Lambotte. Ces collaborations sont essentielles pour les jeunes qui finissent leur thèse aujourd’hui : lorsqu’on est plusieurs autour de la table, on est plus forts. »

 

Olivier Lambotte